CHOISIR ENTRE LE CORPS ET L’ESPRIT ? (texte de théâtre)

Sur scène, arrivent deux personnages. L’un représente un corps sans cerveau et l’autre un cerveau sans corps. Le corps est représenté par une femme un peu naïve et à l’allure sexy. Le cerveau (de couleur à dominance grise) a lui, une physionomie cérébrale.

———-

Corps : Esprit ???

Esprit : Corps ???

Corps : Je ne t’imaginais pas comme ça !

Esprit : Ni moi non plus ! On se salue ?

Corps : Quoi ? Ça veut dire quoi « on se salue« ? Je ne comprends pas. Tu peux développer ?

Esprit : Ah oui, c’est vrai que tu es décervelée et qu’il te manque des données importantes. Il est évident que, dépourvue de « moi » qui suis le siège de ta pensée, de ton savoir et de ta réflexion, tu aies de grosses lacunes intellectuelles et des difficultés de compréhension. Bon, pour faire simple, « se saluer » est habituellement la première chose à faire lorsqu’on rencontre une personne.

Corps : Ok. Mais comment fait-on pour se saluer ?

Esprit : Eh bien, en principe tu es sensée tendre la main à quelqu’un pour qu’il la serre, ou bien lui présenter ta joue pour qu’il l’embrasse. Cette deuxième option est appelée « faire la bise« .

Corps : Ok. Bon alors, « salut«  (elle tend la main)

L’esprit étant un cerveau, il n’a pas de membres et ne peut donc pas serrer la main.

Corps : Tu ne me serres pas la main ?

Esprit : Faudrait-il encore que j’en ai une, de main ! Je te rappelle que je suis un cerveau, et qu’en tant que cerveau, j’ai des lobes frontaux, un hémisphère droit et un hémisphère gauche, des milliards de synapses, de cellules et de neurones, mais pas de mains ! Les mains, c’est toi qui les as !

Corps : Ah, oui… exact… Bon eh bien alors, fais-moi une bise. (Elle se penche sur le côté et présente sa joue droite)

Esprit : Encore faudrait-il que j’en ai une, de bouche ! Regarde-moi, espèce de « tête sans cervelle » ! Tu vois bien que je suis un encéphale qui baigne dans une humeur aqueuse ! Tu vois bien que j’ai tout l’air d’un casque de vélo formé d’intestins semblables à des tripes délavées, mais que je n’ai pas de bouche, pas de prunelles, pas de mains, ni rien de ce qui te constitue toi en tant que corps !

Corps : Ah, oui… exact. Je n’y avais pas réfléchi… Quelle écervelée, je fais.

Esprit : Tsss… Pas étonnant !

Corps : Bon, eh bien je me contenterais de t’envoyer un baiser volant, (Souffle sur ses mains pour envoyer un baiser) parce que poser mes lèvres sur tes boyaux de la tête, ne me tente pas vraiment.

Esprit : Mmm… Je comprends. Mon tissu mou n’est pas très alléchant. Enfin, en même temps « être attrayant » n’est pas ce qu’on demande à un cerveau. En général, un cerveau tel que le mien, on lui demande d’abord et surtout de fonctionner. Et si possible de bien fonctionner ! Parfois, on peut lui demander de se surpasser ou de fonctionner à plein régime, mais la majorité du temps, s’il ne présente pas de grosses défaillances, on se contente d’un cerveau en bon état de marche. Oui, parce que si on pense à toutes les fuites de cerveaux qui s’exilent à l’étranger, aux cerveaux lents qui courent les rues, aux cerveaux fêlés qui laissent passer la lumière, aux petit-pois à la place de la cervelle qui font « gling gling » quand on les bouge, aux cervelles de moineaux qui ne se souviennent de rien, aux têtes brûlées qui foncent tête baissée et s’ouvrent le crâne, aux têtes de linottes qui oublient tout, aux têtes dans les nuages qui rêvent tout le temps, aux têtes à claques qui agacent tout le monde, aux têtes de turcs qui se prennent des coups, aux têtes de cochon qui ne changent jamais d’avis, aux ramollis du bulbe qui ne comprennent rien à rien, ou aux pètes aux casques qui comprennent tout de travers, eh bien un cerveau qui marche convenablement, c’est déjà une aubaine. Enfin, faut-il encore vouloir s’en servir… Pfft… Parce que moi, je suis un cerveau inutilisé qui ne sert strictement à rien. Alors que je m’entraîne tous les jours pour être au top et être en mesure de répondre à chacune de tes demandes, toi, tu me délaisses, tu m’ignores. Tu me laisses dans un coin de ta tête et tu préfères te servir uniquement de ton corps. C’est bien triste… C’est triste de te passer de moi, d’autant que je pourrais t’aider à faire des choses bien plus épanouissantes. Je pourrais t’aider à te voir autrement. Je pourrais t’aider à avoir une tête bien pleine, plutôt qu’une tête bien faite. Je pourrais t’aider à avoir de l’esprit et la tête sur les épaules… Et pour une femme, posséder de l’esprit, c’est le succès assuré ! Car certes, tu es une très jolie fille, mais tu vaux tellement mieux que de miser uniquement sur ce corps de rêve et sur ces courbes… Mmm… affriolantes.

Corps : Déçu de moi ?

Esprit : Non, pas déçu, disons un peu surpris de qui tu es ! Il faut dire qu’en tant qu’esprit, je déborde d’imagination et d’inventivité, et je me suis fait des tas de nœuds au cerveau en t’imaginant.

Corps : Ah ? Et comment m’avais-tu imaginé ?

Esprit : Mmm… Eh bien… disons plus… Enfin, moins… Mmm… Enfin, différente, ça c’est sûr !

Corps : « Différente » ? Mais « Différente » comment ?

Esprit : Eh bien, en me basant sur moi qui suis un cerveau performant et ultradéveloppé, qu’on peut dire « supérieur », j’avais imaginé que le corps qu’on m’avait attribué et qu’il me fallait manœuvrer tel un commandant de bord à la barre de son navire, serait un peu plus cérébral… un peu moins superficiel que…

Corps : Que ?

Esprit : Tu me comprends ?

Corps : Non, je ne comprends pas.

Esprit : Mmm… M’étonne pas…

Corps : Pfft… Et ça se croit intelligent…

Esprit : J’ai cette modestie.

Corps : Mouais… Alors, que qui ? Que quoi ? Moins superficiel que moi ?

Esprit : C’est à peu près ça…

Corps : Ah, je vois ! En fait, tu me reproches d’être une belle fille alors que tu n’es qu’une espèce de truc tout flasque et répugnant. Jaloux, voilà tout !

Esprit : Aïe… Tu te trompes, jaloux, je ne le suis pas. J’ai des atouts et pas des moindres. D’ailleurs, si on y réfléchit (rire moqueur), sans moi, il t’est difficile d’avoir un raisonnement complet par toi-même. J’aurais dû prévoir qu’un corps, aussi parfait soit-il, sans une tête pensante ne pouvait avoir qu’un simple jugement, quelque chose de succinct, d’animal.

Corps : Ben, voyons !

Esprit : Oui, je me dis que tu ne vois pas plus loin que le bout de ton nez. « Nez » du reste que tu as fort joli… D’ailleurs, tu n’as pas que le nez de « joli« . Le reste est… comment dire… Mmm… voyons… Mmm…

L’esprit se parle à lui-même « Tiens ? Comment se fait-il, que moi l’encéphale entraîné à toutes les situations, encore sous garanti et aussi frais qu’au premier jour, je ne trouve soudain plus mes mots ? Comment se fait-il que face à ce séduisant petit minois, mon cortex s’affole et que mes neurones s’emmêlent ? Ça alors, mais je perds la tête, ma parole ! » 

Corps : Et bien ! Un cerveau qui perd ses mots, c’est un comble ! Alors comme ça, tu me trouves jolie ?

Esprit : Disons, que ton « enveloppe » n’est pas désagréable à regarder.

Corps : Ah ça, on ne me l’avait jamais dit ! Tu innoves l’esprit, tu innoves. On m’a souvent dit que j’étais un beau brin de fille, que j’avais un beau châssis, une belle carrosserie, une belle chute de reins, une belle chevelure, de beaux airbags, de beaux arguments, de beaux yeux, mais une enveloppe pas désagréable à regarder, c’est la première fois ! Toi par contre, tu as une drôle de tête. Je te voyais plus… plus inspirant. Un peu comme un joli nuage floconneux… Et puis, je te pensais plus gros…

Esprit : Eh oui ! Comme tu peux le constater, je n’ai effectivement pas la grosse tête. La faute à qui ? Si je comptais le peu de fois où tu m’as utilisé, je ne risque pas d’avoir le melon, ni d’enfler du cerveau ! Cela étant, je ne sonne pas creux non plus. Je pèse tout de même 1,350 kg et j’ai un volume de 1 130 cm3, ce qui n’est pas rien ! Et puis, les apparences sont trompeuses. Mon poids et mon volume ne sont pas proportionnels à mon QI bien au-dessus de la moyenne.

Corps : Pas utilisé ? Mais de quoi te plains-tu ? Je t’ai laissé tranquille ! Et puis maintenant que je te vois de près, je me dis que j’ai eu sacrément raison !

Esprit : Ah ça ! Et pourquoi donc ?

Corps : Tu n’es pas beau du tout ! Pour tout dire, je te trouve affreux. Et savoir que j’ai un truc aussi moche et inesthétique que toi à l’intérieur de moi, ça m’aurait empêché de dormir ! Non, non, à choisir, je préfère faire sans toi ! 

Esprit : N’exagère pas non plus, je ne suis si terrible que ça. J’ai d’énormes qualités !

Corps : Mais enfin, regarde-toi ! Regarde ton allure ! Tu es immonde ! Tu ressembles à un gros truc dégueulasse en comparaison de mon physique parfait. (Elle désigne ses courbes)

Esprit : Soit ! Il est vrai qu’un cerveau est visuellement peu attirant. Je peux admettre qu’au premier abord, mon tissu mou à la texture gélatineuse de couleur blanchâtre, provoque du dégoût, que l’image de mon cortex plissé avec ses replis sinueux, ses crêtes, ses circonvolutions cérébrales et ses scissures profondes, n’est pas quelque-chose d’esthétiquement très beau et séduisant. Mais qu’importe l’apparence ! L’appréciable, le fascinant chez moi, sont mes fonctions, mes capacités et mon intellect. J’ai beaucoup de qualités et d’aptitudes. J’aime disserter, réfléchir, méditer, spéculer, mémoriser, apprendre, comprendre, analyser, juger, discerner, et cætera, et cætera.  Et c’est d’ailleurs à ça que j’emploie la majorité de mon temps. Oui, car mon objectif, est de développer chacune des fonctions constituant ma matière grise pour encore me surpasser, et passer de talentueux à génial ! C’est pourquoi, chaque jour, je m’applique à toutes les entraîner. Chaque jour, je les sollicite et je les muscle. Le problème est que, sans ta collaboration, la plupart de mes capacités cognitives, mentales et sensorielles, sont insuffisamment exploitées, voire même inemployées et s’atrophient sans que je puisse rien y faire.

Corps : Ah bon ? De quelles capacités, tu parles ?

Esprit : Eh bien, par exemple, ma gestion de la température corporelle ou ma fonction du langage, sans toi, il m’est impossible de passer de la théorie à la pratique. Sans ta participation active et ton désir de m’associer à toi, je suis tenu de m’instruire tout seul pour ne pas m’appauvrir intellectuellement et me parler régulièrement dans ma tête afin d’enrichir mon vocabulaire. Il me faut aussi  fréquemment archiver et dépoussiérer mes données pour ne pas les perdre et ne pas m’engourdir les neurones. De surcroît, je dois sans cesse renouveler mon stock de jeux de mots pour accroitre mes synapses, et m’entraîner aux mots d’esprit pour conserver mon habileté. Pratiquer seul, n’est cependant ni drôle ni motivant. Et ce n’est pas ma destination première. Je suis normalement et physiquement constitué pour contrôler et diriger un corps. C’est-à-dire, TOI ! 

Corps : Me contrôler ! Me diriger ! Ouh là là, pas si vite, le cortex !

Esprit : Et pourtant, ça pourrait être si bien. Souvent, je rêve que nous nous connectons. Je rêve que toi et moi, nous ne faisons plus qu’un et que nous devenons « Mens sana in corpore sano ». (Soupir)

Corps : Quoi ?

Esprit : C’est une citation extraite de la dixième Satire de Juvénal qui se traduit par « Un esprit sain dans un corps sain« .

Corps : Et qu’est-ce que j’y gagnerais moi à m’allier à toi ?

Esprit : Déjà, tu y gagnerais en intelligence. Tu ne te contenterais plus d’être juste « Une belle fille séduisante et attirante« , mais tu prendrais conscience de tes autres qualités. Oui, parce que tu vaux bien plus qu’une représentation factice et modelée par les diktats du monde. Je t’assure qu’avec ce que j’ai dans le citron, tu comprendrais que tu vaux mille fois mieux que cette image de jolie poupée idiote et très influençable, car sans moi, tu es très limitée. Il t’est difficile d’analyser, d’avoir du recul sur les choses et les gens. Et puis, songe à l’après, lorsque ta fraîcheur et ta beauté se seront estompées, la vie te fera moins de cadeau. On te mettra au rebut car la concurrence est rude. As-tu déjà pensé à ça ?

Corps : Non, je n’y ai jamais pensé parce que seul le présent m’intéresse. Oui, tout ce qui m’intéresse c’est la robe que je vais mettre pour la prochaine soirée ou le nouveau maquillage que je dois aller m’acheter. Pour ce qui est de plus tard, je ne m’en soucie guère et je pense d’ailleurs, pas avoir la faculté d’y songer !

Esprit : Eh oui, sans moi, tu ne vois hélas, pas plus loin que le bout de ton nez… Enfin, je me dis qu’il est quand même fort dommage de t’entêter à ne pas vouloir m’utiliser, car  je pourrais être ton assurance vieillesse. Sur le long terme, je suis une valeur relativement sûre, sauf s’il m’arrivait d’être victime d’une dégradation de cellules inopportune, si j’avais une attaque de virus imprévue ou un traumatisme crânien par accident, mais bon… Hormis ces cas de figure, le pourcentage de réduction de mes compétences est moindre par rapport au fait de tout miser sur un physique qui dépérit inéluctablement et à vitesse grand « V », et doit sans cesse se démarquer face à l’exigence des hommes et de la société. Eh oui, un physique tout comme une voiture neuve, perd très vite de sa valeur, elle se décote jour après jour jusqu’à ne plus rien coter du tout. Etablir un plan d’avenir sur son physique est un très mauvais placement, car à peine jouît-on de ses atouts qu’il faut déjà penser à retendre sa peau, effacer ses rides, regonfler sa poitrine ou sa bouche pour tenter d’en tirer profit quelques années encore et essayer de balayer les rivales de plus en plus jeunes, de plus en plus belles. C’est une compétition vouées à l’échec, alors que pour un cerveau, plus le temps passe et plus il acquiert de l’expérience, de la maturité, de la sagesse, des connaissances, etc. Oui, un cerveau tel que le mien s’exploite bien plus longtemps qu’un physique, puisqu’au fil des ans, il s’enrichit, il s’améliore, il se peaufine. C’est un pari gagnant !

Corps : Oh là là ! Tu es bien comme je le pensais ! Moche, ennuyeux, arrogant et barbant ! Tout ce que tu me prédis pour plus tard, n’est de toute façon, pas pour demain. Je suis jeune et d’ici là, je serai probablement mariée à un bon parti et je serai donc une femme entretenue. Tu vois ! Demain ne me soucie pas, étant donné qu’aujourd’hui, je peux obtenir beaucoup de choses avec cette plastique ! (Elle montre à nouveau ses courbes et se trémousse par provocation) L’avenir m’appartient, espèce de rabat-joie !

Esprit : Jeune irrésolue ! Tu cours à ta perte ! Sans moi, un jour viendra où tu ne présenteras plus d’intérêt pour personne, même pas pour ton riche époux qui en choisira une plus fraîche, et là, tu regretteras de m’avoir méprisé et rejeté, de n’avoir pas su tirer profit de moi toutes ces années !

Corps : Arrête ça, le rabat-joie ! Retourne dans ta boîte crânienne et fiche-moi la paix ! Et puis, regardes-toi avec tes soi-disant « grandes compétences« , tu n’es même pas capable de te déplacer, alors que moi je peux marcher, danser, sauter, tourner, courir ! Pfft… A part cogiter tout seul dans ton coin, tu ne sers à rien, vieux cerveau tout moisi !

Esprit : Oh ça va, la décervelée ! Sans moi, tu n’es qu’une vulgaire enveloppe ! Un sac de chair ! Et puis, si je suis moisi, c’est quand même un peu à cause de toi !

Corps : « Écervelée » « décervelée« , et alors ? De toute façon, ces injures venant d’un « décorporé » qui ne sert à rien, glissent sur moi comme l’eau sur les ailes d’un canard. Ah, mais j’oubliais ! C’est vrai que pour toi « toucher » et « glisser« , tu ne peux pas savoir ce que c’est ! (rire moqueur), ça ne fait pas partie de tes compétences. Espèce d’encéphale estropiée, il serait temps que tu réalises que, sans moi, tu ne sers pas à grand-chose !

Esprit : Faux ! Sans toi, je peux aimer, ressentir des émotions, penser, raisonner, calculer et cætera ! Et cætera. ! Et cætera. !

Corps : Raisonner ? Mmm… Bien, voyons voir… Esprit, on me dit souvent que je suis une gentille fille sans cervelle qui n’a pas grand-chose dans le ciboulot. Je ne sais pas si je dois prendre cela comme un compliment ou bien si c’est plutôt de la moquerie, tu en dis quoi ? Et puis, je m’interroge. Si, comme ils disent, « je suis sans cervelle« , comment se fait-il qu’on me dise aussi que je n’ai « pas grand-chose dans le ciboulot  » ? Car oui, « pas grand-chose », ce n’est pas rien, c’est déjà quelque-chose, logique, non ? Qu’en dis-tu ?

Esprit : Qu’ouïs-je ? Qu’entends-je ? Que perçois-je ? Quelle est cette question posée de but en blanc ? Que t’arrive-t-il tout-à-coup ? Tu es malade « corps » ? Ma parole, tu es tombée sur MA tête ! Et puis, dis-donc. Comment se fait-il que ta question ressemble presque à une question intelligente ? D’où te viens cette aptitude à réfléchir sans moi ? Comment fais-tu pour te questionner en étant déconnecté de moi ?

Corps : Plains-toi ! Tu me signales que tu t’entraînes pour être au top depuis des lustres et que tu aurais grandement besoin de travaux pratiques, et quand je t’interroge, tu fais l’étonné.

Esprit : C’est que je n’ai pas l’habitude que tu fasses appel à moi. Ça m’embrouille les synapses !

Corps : Non, mais dis-donc, le soi-disant « détenteur de l’intelligence et de la connaissance » ! Tsss… Il faudrait savoir ce que tu veux !

Esprit : Permet que je m’émotionne un tant soit peu. Je n’ai guère l’habitude de mettre mes aptitudes à ton service. Tu comprendras donc que cela m’emmêle les axones et me retourne le cervelet. Tu ne te rends pas compte, mais enfin trouver grâce à tes beaux yeux, est pour moi de l’ordre du miracle ! 

Corps : Tout de suite les grands mots ! Te fais pas des nœuds au cerveau pour si peu, c’était juste une question en passant !

Esprit : Rectification ! Ce n’est pas juste une question en passant, c’est une question fantastique ! ABSOLUMENT PRODIGIEUSE ! 

Corps : Pfft… Ridicule !

Esprit : Ne sois pas si dure avec moi qui fais partie de toi depuis des années. Moi que tu as laissé tergiverser et méditer tout seul dans son crâne sans jamais t’en préoccuper. Moi qui suis heureux de pouvoir enfin collaborer avec moi. Moi qui suis tellement content que, si j’avais des yeux, j’activerais sur le champ la fonction « pleurer d’émotion » pour te montrer à quel point je suis heureux. Ah, corps ! Mon corps ! Mon corps à moi ! Si tu savais combien je suis content de travailler main dans la main avec toi ! 

Corps : Pfft… Je te rappelle que tu n’as pas de mains !

Esprit : C’est vrai, dans l’euphorie j’ai oublié que les mains, c’est toi qui les as… Ah corps ! Mon corps ! J’ai si souvent pensé que tu n’étais qu’une irréfléchie. Oh, combien je me suis trompé. Je m’aperçois avec joie et stupeur, que même sans moi, tu possèdes une certaine réflexion et un peu de suite dans les idées. C’est si inattendu, comment est-ce possible ?

Corps : L’habitude et l’expérience, vieux cerveau tout moisi. Tu n’as pas le monopole de la réflexion, monsieur « je sais tout » et sans toi, il m’arrive très souvent de devoir penser par moi-même et prendre des décisions sans ton aide. Eh oui ! Même si ça te surprend, malgré les apparences, j’ai un minimum de jugeote.

Esprit : À mon corps défendant, je n’oserais pas prétendre que tu es stupide, mais j’avoue y avoir cru… Oui, et même si cela n’a ni queue ni tête, j’admire ta capacité à avoir un certain degré de réflexion sans mon intervention. Eh bien, quelle heureuse découverte, mois qui dans mes rêves les plus fous, aspirais à ce que tu sois douée au vu de mes compétences extraordinaires, j’en ai le cerveau tout chaviré.

Corps : Bon ça va… N’en fais pas des caisses, non plus ! Je ne suis pas aussi bête que j’en ai l’air, et voilà tout !

Esprit : Et comment donc « voilà tout » ! Toi que, sans connaître, j’ai longtemps cru être une tête de linotte qui n’avait rien dans le caillou ni même deux sous de jugeote, je suis surpris par ton potentiel de réflexion ! 

Corps : Oui, je ne suis pas aussi bête que j’en ai l’air, et alors ? Tu ne vas pas nous en faire un fromage ! Tiens, d’ailleurs en parlant de fromage, on me dit souvent que j’ai de la purée dans le cerveau ou alors que j’ai le cerveau plein de fromage blanc. D’après toi, qu’est-ce ça peut bien vouloir dire ?

Esprit : Une deuxième question ? Tu me poses une deuxième question, mais tu me gâtes ! Tu me transportes ! J’en ai la cafetière qui surchauffe ! Oh là là, si j’avais des oreilles, je fumerais par les tympans !

Corps : Oh, arrête de faire de l’esprit, la matière grise et creuse-toi un peu les méninges pour me répondre simplement. Fais vite fonctionner tes cellules avant que je change d’avis et que je ne te renvoie croupir dans ta boite crânienne !

Esprit : Et si on essayait plutôt de se connecter ? Si on faisait corps tous les deux, qu’en dis-tu ? Après tout, ce n’est pas parce qu’on nous a déconnectés qu’on ne peut pas tenter de se reconnecter.

Corps : Ben oui, c’est bien vrai ça. Tu saurais toi, pourquoi on a été séparés l’un de l’autre ?

Esprit : Non, aucune idée. D’ailleurs, je m’étonne qu’on l’ait été aussi longtemps. Normalement, on ne devrait pas pouvoir vivre l’un sans l’autre. Mmm… C’est étrange… Que nous est-il arrivé ?

Corps : Peut-être qu’on nous a séparé pour raison médicale. Si tu cherches dans ton secteur « mémoire« , tu peux peut-être y retrouver ce qui a causé cette déconnection.

Esprit : Pas bête. Bien que tu sois sans cervelle, tu as décidément de la jugeote et un certain discernement.

Corps : Bon et sinon, on fait quoi ?

Esprit : Ça te dirait qu’on se connecte tous les deux ? Juste pour voir ce que ça ferait ?

Corps : Pourquoi pas… On peut essayer, si tu me promets que je pourrais te débrancher à tout moment.

Esprit : Promis ! Par contre, avant de me relier à toi, je dois te prévenir qu’il y a peu, j’ai subi quelques dégâts

Corps : Du genre ?

Esprit : Quelques secteurs grillés.

Corps : Dû à quoi ?

Esprit : Aucune idée. Dommage collatéral. Tu le sais peut-être mieux que moi ?

Corps :Mmm… Non, je ne me souviens pas… Il faut dire que j’ai une mémoire de piaf. Aussitôt fait ! Aussitôt oublié !

Esprit : Moi, à mon niveau, la seule chose que je peux dire c’est que j’ai essuyé de nombreuses  pertes. Enfin, rien n’est irrémédiable. Depuis quelques temps, je soumets mes synapses et mes neurones à un entrainement rigoureux et ça fonctionne. Ils sont réactifs, vaillants et volontaires. Si on garde le rythme, je devrais pouvoir recréer de nouvelles connexions et être totalement opérationnel d’ici six à douze mois.

Corps : Ah… Et en attendant, quelles seraient les conséquences pour moi ?

Esprit : Ben, perte de mémoire occasionnelle.

Corps : Ah… Du moment, que je me souviens que je suis une fille et que je suis belle. Pour le reste, je ferai avec.

Esprit : J’ai moi-même de temps à autre, un raisonnement faussé. Dans certaines circonstances, il peut m’arriver d’avoir les pensées d’un mollusque.

Corps : Ah bon ? Et dans les faits, ça se traduit comment ?

Esprit : Bien, par exemple quand je pense à quelqu’un d’attrayant, j’en perds tous mes moyens et j’en deviens benêt comme si on m’avait lobotomisé.

Corps : Fantastique ! Tout comme moi ! Finalement, on est peut-être faits pour s’entendre !

Esprit : Mais que tu es naïve ! (rires) C’était une plaisanterie et toi tu y as cru. (rires) Oh là là, il faut dire que j’ai l’esprit moqueur (rires)

Corps : Pfft…

Esprit : Bon ! Prête pour la connexion ? Prête pour se brancher l’un à l’autre et voir comment on pourrait travailler ensemble ?

Corps : Travailler ? Mais comment ? Qu’est-ce que ça veut dire « travailler » ?

Esprit : Normalement, tes membres devraient te servir à accomplir des tâches et donc à travailler.

Corps : Mmm… Paraître et me montrer me suffit amplement.

(Corps s’approche du cerveau qui est statique et pose la main sur lui. Aussitôt, elle (corps) se pétrifie comme si elle avait reçu une décharge électrique)

Esprit : « Corps » ? Ça va ? Tu te sens bien ?

Corps : Je ne sais pas. J’ai la sensation d’être brusquement en accord avec moi-même. D’être libre ! Je me sens étonnamment bien dans ma tête et bien dans ma peau, et j’ai en plus l’impression de voir la vie autrement… d’être reconnectée à la vie. C’est étrange comme ressenti… Nouveau et pas désagréable du tout. Bien au contraire !

Esprit : Ah ? Et comment la vois-tu, la vie ?

Corps : Plus grande ! Plus belle ! La nature est si riche ! Si diverse ! Si incroyablement inspirante ! Et ces gens, là, en face de moi ! Ils me paraissent si intéressants ! Je ressens de l’amour pour eux. Un amour simple et doux pour chacun d’eux. J’ai terriblement envie de les connaître. De connaître leur monde et leur vision du monde. « Esprit » es-tu là ?

Esprit : Oui, je suis là…

Corps : « Esprit« ,  grâce à toi, je me décentre de mon nombril pour m’ouvrir à une dimension bien plus grande que moi et que ma petite personne. C’est formidable tout ce qui s’offre à moi ! Je te promets que, désormais, je vais prendre bien soin de toi « esprit« . Je vais travailler avec toi pour tenter de faire de ce monde, un monde plus juste et plus beau… Merci à toi « esprit » pour ce cadeau merveilleux.

Esprit : Pas de quoi. À ton service…

By Christ’in (texte protégé)

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