Deux hommes sont sur la scène. Un jeune homme et un homme plus âgé. Le plus âgé s’est assoupi dans un canapé, tandis que le jeune homme parcourt un journal d’informations. Un article mentionnant la reprise des tirs dans une région en cessez-le-feu, le fait se questionner… Sans réponse, c’est d’un pas décidé qu’il se dirige vers l’homme somnolant, et l’interroge sans ménagement.
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Jeune-homme : Hé, le vieux briscard ! Dis-moi pourquoi la paix ça dure jamais ?
Silencieux et tranquille, l’homme âgé continue de dormir.
Jeune-homme : Hé l’ancêtre, tu m’as capté ?
L’homme âgé s’éveille en sursaut. Il est désorienté.
–Mmm… Quoi ?
Jeune-homme : J’voudrais savoir pourquoi la paix ça dure jamais ?
Mécontent d’être dérangé dans son sommeil, l’homme âgé bougonne et parle en soupirant.
– Ouh là là… Gros, gros risque… Parler de paix, c’est risqué…
– Risqué ? Mais pourquoi risqué ?
Le poing appuyé sur sa joue pour tenter de se rendormir, l’homme âgé répond en maugréant :
– C’est un sujet risqué…
– Ah ?
Fatigué, l’homme âgé parle entre ses dents :
– Mmm… Oui…
– Mais encore ?
– Quoi, mais encore…
– Pourquoi, c’est un sujet risqué ?
L’homme âgé commence à s’agacer :
– Parce que parler de paix, c’est risqué de la perdre.
– De la perdre ?
– La paix… (Grommelle-t-il)
– La paix ?
Le ton monte. L’homme âgé est irrité.
– Oui. Parler de la paix, c’est risqué de la perdre !
– Ah… (Ton fataliste)
Comprenant que le jeune homme ne le laissera pas tranquille, l’homme âgé lui répond méchamment :
– Oui !
– Et si j’ prenais le risque ?
– De quoi ?
– Ben… de parler de paix ?
– C’est une idée fixe !
– Non, mais l’absence de paix ça m’interpelle. Alors j’me risque à t’en parler.
L’homme âgé bouillonne à l’intérieur. Cela s’entend de plus en plus dans sa voix.
– Tu peux, mais tu cours un risque !
– Lequel ?
– De m’énerver !
– Ah… (Fataliste)
– Oui ! ! !
– Et si je m’y risquais quand même ?
L’homme âgé se lève. Il croise furieusement les bras, puis fait face au jeune homme.
– T’es prévenu ! C’est à tes risques et périls !
– Mmm… Et sur une échelle de 1 à 10, j’ai quel risque de t’énerver ?
– Tu t’exposes à un grand risque ! (de + en + énervé) Tu cours le risque de te prendre mon pied dans ton PééTARD !
– Pfft… Qui ne risque rien, n’a rien. Puis de toute façon, j’risque pas grand-chose, vu que j’suis suréquipé.
– Plaît-il ?
Le jeune homme se donne une tape franche sur les fesses.
– J’ai le fessier rechapé et l’assurance tous-risques. (Ton ironique) En prime, j’ai le goût du risque. Alors, tu vois… ça se risque… Hum ? (regard de défi)
– … M’ouais… Je serais toi, je m’y risquerais pas !
– Alors, ma question ?
Excédé, le vieil homme élève la voix. Son regard est dur.
– Quoi, ta question ?
– Pourquoi la paix ça dure jamais ?
– Décidément ! Mais tu ne vas pas le couper ton tourne-disque ! Ma parole, on croirait un vieux disque rayé. “Et pourquoi la paix ça dure jamais ? Et pourquoi la paix ça dure jamais ?” Ah, mais c’est pénible à la fin !
– Oh ! T’excite pas l’ancien. Puisque j’t’ai dit que j’adorais le risque, réponds à ma question et je verrais bien.
– Tu verras quoi ?
– Si j’perds ma paix…
– T’es un coriace toi !
– Non ! Juste un gars qu’attend qu’on lui explique. Alors ?
Très en colère, l’homme âgé se met à crier en faisant de grands gestes.
– Ah ! Mais la paix, l’empêcheur d’être en paix ! ! Tu ne pourrais pas le refermer ton clapet, parce que là, tu commences à sérieusement me crisper !
– Oh le papé ! C’est pas la peine de pester aussi fort, tu m’as pété les deux tympans.
– Tsss…. (Soupir d’agacement)
Le jeune homme tente de poser une main amicale sur l’épaule de l’homme âgé qui esquive le geste et recule en arrière.
– Ben quoi, tu pétoches ? J’voulais pas t’chopper par le colback, j’voulais juste être amical.
– Un peu de respect s’il te plait !
Le vieil homme bombe le torse comme s’il allait se battre.
– Holà holà, pépé ! On va quand même pas se frictionner. Restons plutôt en paix, c’est préférable.
– En paix ? Mais moi je l’étais en paix ! (Ton exaspéré) J’étais pépère dans le canapé quand tu t’es pointé pour me pomper l’air ! C’est toi la cause de mon énervement ! C’est toi qui m’a m’enquiquiné ! Je ne demandais rien à personne moi ! Non ! J’étais tranquille en compagnie de ma paix ! Ma merveilleuse et précieuse paix ! Je l’avais tellement recherché avant de pouvoir en profiter ! Tu penses ! Une paix gagnée aussi durement, je faisais mon maximum pour la garder ! Seulement ! Seulement, il a suffi d’un flippé doublé d’un entêté dans ton genre pour me la faire perdre !
Le jeune homme se sent insulté. Il s’approche de l’autre homme tout en parlant fort et vite. Lorsqu’il appuie sur toutes les consonances en “pé”, il postillonne au visage de l’’homme âgé qui s’essuie les joues du bout des doigts.
– Le flippé ? Non, mais il va s’apaiser le fripé constipé ! Il va vite le stopper son petit air d’opérette, l’handicapé social !
– Dis-donc ! Il va me foutre la paix le jeune pédant, parce que sinon ! Sinon !
– Sinon quoi ? Il va m’taper, l’inadapté ? Il va m’télescoper, l’empêtré du dialogue ? Il va venir m’étriper pour que je m’taise et que je lui fiche la paix ? Hein ? Sinon quoi ?
– Ça se pourrait ! Ça se pourrait en effet !
– J’rêve ! Tu menaces de m’frapper alors qu’on discutait ! Qu’on traitait sur la paix !
– Non mais t’as du toupet, l’éclopé du perchoir ! (en tapant son index sur le crâne de l’autre) Je t’ai prévenu que si on blablatait sur la paix, ça risquait de déraper ! Mais Toi ! Toi, t’as persisté à me questionner avec ta fichue paix et t’as fini par me voler la mienne !
– Ça va… ça va… Calmons-nous, grand-père… (Allure nonchalante et air innocent) On va quand même pas s’agripper ? J’suis pour la paix des ménages, moi. Et puisqu’on dit “Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté”, ben faisons la paix et pas la guerre.
Le jeune homme tend la main à l’homme âgé qui la refuse.
– Ben, voyons ! Ah ça, mais quel toupet ! J’étais peinard dans mes pénates quand t’as jappé là où je campais ! J’étais paisible, cool et relax quand t’es venu me perturber ! Ah ça ! Tu m’as bien cassé les pieds ! Tu m’as bien exaspéré ! Tu m’as bien tapé sur les nerfs ! Ma précieuse paix ? Ah ça, tu l’as bien catapulté de Perros-Guirec jusqu’au Pérou en passant par Pékin ! Et maintenant ? Maintenant, tu te présentes devant moi, l’air de rien et la démarche chaloupée ! Tu te présentes paisiblement avec un sourire en pet-de-nonne et tu me demandes de faire la paix avec toi ! Ah, ça ! Mais quel toupet ! Je n’ai pas envie de pactiser avec toi, moi ! Je n’ai aucune envie de faire la paix avec un irrespectueux qui me l’a consciencieusement brisé ma paix !
– Ah bon ? (Haussement d’épaules et regard étonné)
– Oh que oui, pétard ! Et tu veux que j’te dise le dévastateur de paix ? Le démolisseur de quiétude ! Le destructeur d’accalmie ! L’acharné du pugilat ! Le psychopathe du pacifisme ! Eh bien, j’en ai soupé de toi ! Tu l’as capté ça ? Tu l’as capté dans ton cervelet sous-équipé ? J’en ai plus que soupé de toi, le briseur de paix ! Alors fais-moi plaisir et va donc voir à Pétaouchnock si j’y suis ! Va y voir avec tes questions pénibles et laisse-moi retrouver ma paix ! Allez, va paître et te repaître ailleurs ! Et surtout, bon appétit !!
– Pfft… Vieux pesteur !
Le jeune homme et l’homme âgé sont dans une lutte de mots. L’un et l’autre se lancent des insultes à la figure.
– Ah, tu veux la guerre ? Et bien tu vas l’avoir, espèce de petit péteux!
– Péquenaud !
– Peigne-cul !
– Périmé !
– Pète-sec !
– Paysan !
– Pédoncule !
– Carpette !
– Lopette ! Etc.…
(Les deux hommes en viennent aux mains et se font… la guerre)
Voix off : Évite le mal, agis bien, recherche la paix et poursuis-la. (Psaume 34:15)
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