Elle marchait sur un chemin de terre, tous les sens aux aguets, puis entendit le chant du coq qui annonçait le jour qui se levait. Annonçait-il un nouveau jour pour elle, un recommencement, un changement de vie ou de saison ? Au loin, l’oreille tendue, elle perçut le vrombissement d’un moteur de tracteur et s’imagina ce paysan ayant démarré son ouvrage bien avant l’aube et profitant de la fraîcheur de la nuit qui s’étire et s’évanouit, pour creuser des sillons ou retourner une terre encore meuble de la rosée du matin. Ce bruit aussi l’interpellait. Il pouvait indiquer que le Seigneur veillait sur elle, la nuit comme le jour et travaillait sans cesse en elle. Cela signifiait-il qu’elle était comme un champ de labour ou comme un vase entre les mains du potier, et qu’elle devait donc se laisser faire, se laisser modeler afin d’être utile au Royaume de Dieu, devenir un vase d’honneur ?
Arrivée à l’orée d’un bois, ses yeux naviguèrent de droite à gauche et de bas en haut. À l’affût du moindre signe, au milieu de cette nature généreuse, elle observa d’abord le ciel, puis l’horizon et les grands arbres. Elle examina la création de Dieu avant de s’attarder sur le brin d’herbe et de s’interroger sur la brièveté de sa vie. L’œil aiguisé, elle épia les fourmis dissimulées sous les cailloux ; ce peuple sans force qui prépare sa nourriture en été. Puis, relevant la tête, elle suivit des yeux un oiseau qui volait à tire d’aile, et songea qu’elle devait peut-être se mettre à l’œuvre afin d’être prête au temps voulu, ou bien alors, qu’il lui fallait demeurer dans la foi et attendre patiemment, car le Seigneur pourvoyait à ses besoins.
En direction de la grande route, elle repéra un champ de blé qui lui rappela la moisson blanche. Était-elle du nombre de ces ouvriers qui manquent à l’appel ? Devait-elle se précipiter et courir dans la mission ? Sans conviction véritable, elle poursuivit sa route et arriva aux abords d’une voie rapide et fréquentée par un grand nombre de véhicules pétaradants. Beaucoup de sons parasites à cet endroit, et laborieux pour elle de différencier un bruit particulier. Cependant, toutes les perceptions en alerte, elle eut la soudaine et curieuse impression d’être dans deux mondes à la fois. Il lui sembla marcher dans cette réalité, sans toutefois en faire partie. Étonnante sensation qui la fit se questionner. Devait-elle se souvenir de n’être sur Terre qu’une étrangère, une voyageuse ? Lui fallait-il se rappeler de ne pas s’attacher aux choses d’en bas, mais bien à celles qui sont éternelles ?
Alors qu’elle empruntait une rue bondée de touristes, elle s’appliqua à croiser un regard, puis deux. Bientôt, le nombre de personnes s’accroissant, elle ne baissa pas la garde et chercha à accrocher le plus de paire d’yeux. Son comportement pouvait sembler bizarre. On pouvait la croire « illuminée », mais qu’importe, elle croyait avec force découvrir ce qu’elle ignorait encore, et demeurait vigilante pour ne pas rater ce qui lui était destiné en personne.
Beaucoup de monde à cette heure-ci et compliqué de rester à l’écoute et de discerner quoi que ce soit de particulier dans tout ce bourdonnement urbain. Malgré cela, déterminée et volontaire, elle chercha à capter le plus de gens possible, puis tenta de récupérer chez l’un ou chez l’autre, cette réponse de Dieu qui lui appartenait en propre. Persuadée de recevoir de son Seigneur, et agitée à l’idée de possiblement croiser un ange, elle guetta le moindre signe et se dévissa le cou pour scruter de tous côtés.
Tel un chercheur d’or, au passage rapide et furtif des gens pressés ou occupés, elle en dévisagea un maximum et saisit des bribes de conversations. L’oreille ouverte, elle fronça les yeux pour s’emparer d’un mot, d’un geste, d’une attitude de leur part, de ce petit quelque chose qui s’inscrirait en elle comme une évidence, comme un sceau au bas d’une page. Concentrée, tandis qu’elle fendait la foule de plus en plus dense, elle essaya d’agripper chaque élément susceptible d’être important. Elle essaya de mettre dans sa besace et de retenir une phrase interceptée en vol. Une phrase même banale, mais pouvant faire écho dans son âme. Observatrice en apnée et en chasse d’une révélation divine ou d’une confirmation de l’Esprit, elle était à l’affût d’une parole d’encouragement, d’un sourire bienveillant, d’un simple hochement de tête qui lui serait adressé. Pour elle, rien n’était dérisoire ou anodin, et tout pouvait être intéressant et bon à prendre.
Dans sa quête absolue, elle stocka chaque détail et emmagasina chaque impression d’ensemble qu’elle analysa au fur et à mesure, afin de ne garder que l’essentiel et pouvoir continuer sa recherche. Car, oui, elle en était sûre et certaine, si elle ne trouvait pas maintenant ce qu’elle prévoyait, elle le trouverait de toute façon plus tard et sans tarder. De cela, elle en était absolument convaincue, car elle savait que celui qui cherche trouve, que celui qui frappe, on lui ouvre, et que celui qui demande, il lui est répondu. Pour l’instant, ce qu’elle ignorait, c’était simplement le moment et l’heure.
By Christ’in
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