ENCOURAGÉ (allégorie de la course chrétienne)

Allongé sur le dos, Josué se libère de son mal-être en pleurant dans ses mains, puis se relève en grelottant. Les yeux hagards, il nettoie sa bouche avec le dos de sa main et reprend sa route. Son pas est lourd. Il n’a pas fait cinq mètres qu’il est déjà exténué et doit s’arrêter pour reprendre son souffle.

Josué enrage contre ses insuffisances, mais sa bonne étoile n’est jamais loin ! Bien qu’invisible aux yeux humains, l’ange d’Adonaï-Élohim arrive à sa rescousse et lui insuffle de nouvelles forces par une imposition des mains. L’effet est immédiat ! Sans savoir ni à qui ni à quoi attribuer ce regain d’énergie, Josué apprécie d’aller soudainement mieux. Regonflé à bloc, il s’ébroue comme un chien détrempé et programme son mental pour la victoire.

« Cours mec ! s’encourage-t-il. Cours ! ».

Pas après pas, sa marche s’affermit. Il trottine, allonge sa foulée et accélère sa vitesse. En quelques minutes, sa course se fait rapide, mais au cœur d’une nuit sombre et détendue, les breloques de métal cousues sur ses vêtements, s’entrechoquent et font du bruit.

Kling ! Klang ! Kling ! Klang ! 

Les sangles d’acier fixées à son pantalon, les deux boucles en nickel de ses gros ceinturons et ses autres anneaux en fer, cliquettent et résonnent dans le calme environnant. Déconcentré par ces compagnons de voyage aux accents métalliques, Josué continue cependant de courir.

Kling ! Klang ! Kling ! Klang ! 

Qu’importe ! Le bruit est certes déplaisant, mais il n’entrave pas son déplacement. En revanche, Josué est freiné par son long manteau de cocher et par le poids de ses rangers. S’il veut aller plus vite et s’épuiser le moins possible, il va devoir ménager sa monture et se défaire de ce qui l’encombre. Il ralentit. À petites foulées, il retire sa dague de la doublure intérieure de son cache-poussière qu’il jette sur le bas-côté de la route, et la glisse contre sa hanche en la coinçant dans l’élastique du pantalon. Pour le reste, Josué n’a d’autre choix que de s’arrêter. Et dans l’obscurité silencieuse, il se débarrasse de ses ceinturons et balance sa paire de rangers dans le fossé. Puis, dans un geste symbolique, il arrache de son cou sa croix celtique suspendue à une chaînette d’argent et la lance au plus loin dans un petit cri d’effort.

Volontaire, le sprinter reprend son échappée belle. Il récupère un bon rythme, mais le chemin reste très long jusque chez lui. S’il veut maintenir cette cadence, il va encore lui falloir s’alléger. Et cette fois-ci, c’est sa longue et précieuse dague qui le gène, qui s’enfonce dans son estomac et le fait grimacer. De plus, elle le restreint dans sa mobilité, car le fourreau de la lame bloque la détente de sa jambe. Josué supporte tant qu’il le peut la douleur, mais cette contrainte physique finit par le stopper. Au milieu du chemin, haletant et le front trempé de sueur, il porte la main à son côté. D’un geste sec, il enferme le manche d’ivoire entre ses doigts, lorsque des mots infiltrent son esprit.

— Tu n’en auras plus besoin, lui souffle l’ange d’Adonaï-Élohim. Désormais, il te faudra apprendre à vivre sans…

Josué s’étonne de cette pensée soudaine qu’il juge absurde et sans fondement. Hors de question pour lui de se défaire de sa précieuse lame et de poursuivre la route sans elle. Au fil du temps, elle est devenue le prolongement de sa main et maintenant, elle fait partie intégrante de lui. Dépossédé de sa dague, Josué se retrouverait vulnérable et sans défense. Ne plus l’avoir serait comme sortir nu dans la rue, et cette idée est totalement grotesque, insensée, inenvisageable !

— Tu dois t’en défaire, entend-il de nouveau dans sa tête. Tu dois t’en défaire… car c’est seulement dans ta faiblesse que se révélera la force du Très haut.

Mentalement, Josué lutte contre cette pensée intrusive et insistante, et serre en étau son crâne entre ses mains.

—Non ! grogne-t-il. Plutôt crever ! Jamais !

Apaisé par le calme revenu dans sa tête, Josué cramponne sa dague entre ses doigts et reprend sa course. Son élan est de courte durée. Il ne peut aller aussi vite qu’il le voudrait. Il lui est difficile de cavaler avec son arme au bout du bras, mais tenace et volontaire, il l’empoigne encore plus fort et se concentre sur le but à atteindre. Les yeux fixés sur les lumières au loin de la ville, des scènes de violence forcent son esprit. Et lui revient en pensée, quelques actes délictueux qu’il a fait par le passé. Comme un boomerang de chienlit qui lui reviendrait en pleine face, il est sonné par ces images. Elles le dégoûtent et lui donnent la nausée. Ce qu’il est, le dégoûte aussi. Et ce dégoût se multiplie lorsque l’image du Lion de Judas s’impose à lui dans un flash, et que des mots tels que « répugnance », « regret » et « honte » tournent en boucle dans sa pensée, avant qu’il ne soit submergé de questions : « Pour qui ? Pourquoi ? Pour ça… »

Josué est comme éclairé par le mal qu’il a semé, et accablé par le sombre état de son cœur. La honte et la culpabilité le recouvrent et l’alourdissent comme un épais voile de ténèbres. Déstabilisé par ce qui passe en lui, il modère sa vitesse, et alors qu’il traverse seul cette nature endormie, il réalise qu’il a fait de mauvais choix, qu’il a cru en de fausses promesses, qu’il a payé très cher le prix de la liberté, de la force et du pouvoir, et qu’il continue de devoir s’en acquitter. Le bilan est terrible. Josué prend conscience qu’il a beaucoup perdu et a perdu jusqu’à sa dignité… 

Quel gâchis !

Il se sent piteux, misérable. Sa dague au bout des doigts lui fait soudain horreur. Voilà qu’il l’associe à toute cette merde et la juge en partie responsable de ses débordements. Comme une révélation, sa lame n’est plus la compagne idéale et indispensable, mais elle est l’objet du mal, l’associée du diable. Elle lui fait horreur. Elle lui brûle les doigts. Et dans un grognement de rage, il la lance dans les buissons bordant la route, puis repart en grande foulée.

Kling ! Klang ! Kling ! Klang !

Josué fonce à toute allure, mais la charge de sa souffrance est trop lourde à porter. Il s’arrête net, écarte en grand les bras et se vide de son tourment.

— Non ! Non ! hurle-t-il. Nooooonnnn ! 

Un bref instant, l’écho de ses cris troublent la quiétude de la nuit. Mais le moment est fugace. Après avoir capturé son éphémère détresse dans son suaire de ténèbres indolentes, la pénombre l’emprisonne à jamais, et plus rien ne s’entend. Et de la même manière que l’obscurité a retrouvé son calme, Josué se sent beaucoup mieux. Délesté de ses fardeaux du moment, il parcourt à vive allure les derniers kilomètres.

By Christ’in

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